Antoine Hénaut

Antoine Hénaut est toujours installé au milieu des animaux, dans son hameau des Honnelles, à la frontière franco-belge quelque part entre Valenciennes et Mons. Pour ce nouveau disque, il reste dans la lignée de son troisième album "Par défaut", déjà réalisé avec la complicité de son ami et guitariste Jérôme Hiernaux. Il aime toujours s’attacher aux lieux et aux gens, cite encore Dick Annegarn, Vincent Delerm, Arno et Thomas Fersen parmi ses influences assumées, comme Bach, Satie ou Sanseverino. Alors, rien n’a changé ?

Si, manifestement la paternité est passée par là. Et si l’on devait chercher quelque ligne de force dans ce nouvel Album 46 au titre étrange, ce pourrait être le rapport à l’autre et au temps, de l’enfance à la vieillesse en passant par le couple. A l’autre soi aussi, celui du passé, celui qu’il était, même s’il n’était « pas vraiment là » (Mon banc décolle). Quoique l’on peine un peu à croire qu’Antoine Hénaut ait été un mauvais élève, tant sa plume alerte peut être réjouissante.

Clopinant tel un bambin sur une rythmique foutraque, l’album s’ouvre sur J’ai pas demandé (à naître, en gros), non pas une complainte dépressive mais plutôt une façon pour le jeune papa de se mettre à la place de sa gamine, le brio et l’humour des tournures comme paravent de réelles et bien légitimes réflexions. Il est vrai que l’arrivée d’un troisième personnage ô combien central dans un couple chambarde beaucoup de choses (d’où la tendresse d’Entre nous). Il est loin Le grand soir du premier rendez-vous !

Qu’est-ce qui fait tenir tout ça, empêche d’aller jusqu’à la rupture (Sans toit), d‘envoyer tout valser ? Le syndrome de Stockholm, bel exercice de style ternaire justement (là encore) ? Une bonne recette pour prendre sur soi quand il faut (Cuisine interne, registre culinaire malin et sereine nonchalance) ? La capacité à aimer aussi l’autre pour ses défauts (le faux reggae À l’imperfection) ? Ou juste la chance d’être dans un jour avec, plutôt que dans une Jour sang ?

Comme il aime les gens, Hénaut ne regarde pas que son nombril, quitte à imaginer toute une histoire sur la base (manifestement) de quelques coups de canifs sur le béton d’un pont quelconque. Dans une valse qui s’emballe, il fait ainsi prendre vie à Michel et Océane avec tendresse et brio. Car il en faut pour se foutre ainsi de l’air du temps, et en avoir dans la musette pour conclure plus loin sur un tango (Un temps pour rien). Antoine Hénaut dresse ainsi des portraits, ne laissant personne sur la touche. Tout imitateur de Johnny que soit le Chanteur amateur, il est moins question de se moquer gentiment de lui que de lui rendre hommage, occasion d’une petite incursion rock. Rock ? Passé son intro en trompe l’œil,
 Mes parents rock’n’roll serait plutôt
un reggae à la pulsation maligne,
l’histoire d’un fiston (trop) bon élève
quant à lui, façon peut-être pour
l’auteur de se projeter à son tour dans
un rôle de parent et un âge qui 
avance. Pour l’instant il l’observe,
toujours avec beaucoup de tendresse,
comme en témoigne Les gens qui vivent trop longtemps, grand écart habile et tout en douceur entre une musique chaleureuse et un texte qui pourrait être terriblement triste, s’il n’était mis ainsi au service d’une sorte de générique de fin pour un « feel good movie » imaginaire. Là encore un exercice de style peut-être, mais il en est peu aujourd’hui qui possèdent une telle aisance pour emprunter, sans complexe, les chemins d’un classicisme où les plus grands les ont précédés.

Antoine Hénaut respire en effet la sérénité de ceux pour qui tout semble facile, et ne dédaigne pas les exercices de style en question, si cela l’amuse. On le soupçonne d’ailleurs de savoir parfaitement ce que l’interlude Olé ! pourra apporter d’ambiance à ses futurs concerts, mais on le pardonne d’autant plus volontiers que la parution de son précédent disque en plein (premier) confinement avait, durant longtemps, empêché de vérifier par ici son excellente réputation scénique. Il va se rattraper, pourvu du moins qu’un éventuel « procès avec Julien Clerc » ne vienne entraver cette perspective, comme le suppose la brillante mise en abyme Pop en l’air.

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